Les conditions de vie digne ne sont pas négociables

Droits et devoirs« Dans la vie, il y a des droits, mais il y a aussi des devoirs. » On entend souvent cette expression, notamment dans la bouche des responsables politiques. Elle signifie que les droits des individus doivent leur conférer des devoirs, et même qu’à tout droit il faut en contrepartie un devoir. Je peux comprendre cette logique. J’ai longtemps moi-même adhéré à cette philosophie. Les personnes estiment que pour recevoir sa part de la société, on doit d’abord y contribuer (encore faudrait-il savoir de quelle contribution on parle).

En réalité, cette vision est erronée : il existe des droits sans contrepartie. Ainsi, le droit à la vie n’exige aucune contrepartie. L’abolition de l’esclavage (le droit de ne pas avoir de maître) ou le droit à l’avortement ne sont pas soumis à contrepartie. Il est donc tout à fait inexact de considérer que tout droit appelle une contrepartie.

Au-delà de ces cas triviaux, l’article 25 de la DUDH nous précise que :

Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux

À aucun moment la DUDH ne soumet ces droits à contrepartie. Et c’est sans doute l’argument le plus probant à l’instauration du revenu de base inconditionnel. En effet, le revenue de base inconditionnel est souvent présenté par ses détracteurs (ou perçu de prime abord par ceux qui le découvrent) comme un droit qui n’appellerait pas de contrepartie. Et bien autant le dire tout de suite : ils ont raison !

Le revenu de base inconditionnel est attribué à tous, sans condition, sans contrepartie.

Et quand bien même on estime qu’il y a des droits et des devoirs pour les individus, il me semble qu’il ne faut pas conditionner les droits fondamentaux (tels que reconnus par la DUDH) à une contrepartie.

C’est l’un des dysfonctionnement majeur de notre société aujourd’hui de considérer que la situation de précarité est admissible, l’exclusion une banalité. Pour « faire société » il faut commencer par ne jamais accepter que certains en soient exclus.

Au-delà, éventuellement, on peut discuter. Mais les conditions de vie digne ne sont pas négociables.

Il y a donc des droits que le revenu de base permettrait d’assurer qui ne doivent pas entrer dans le champ des droits discutables, assortis à des obligations, des devoirs.

Par ailleurs, je n’aime pas la notion de devoirs dans ce qu’elle a de coercitif. Il me semble que dans un modèle avec revenu de base inconditionnel, on parlerait davantage « responsabilités » que « devoirs », et on reconnaîtrait des activités très utiles à la société qui aujourd’hui ne sont pas considérées, simplement parce qu’elle ne sont pas source de croissance économique.

En réalité, je pense que l’inconditionnalité est un aspect majeur du revenu de base. Je crois qu’à partir du moment où tous les individus se verront respecter dans leur intégrité humaine, alors nous pourrons vraiment « faire société ».

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À propos de JeffRenault

Simple citoyen du monde

16 réponses à “Les conditions de vie digne ne sont pas négociables”

  1. Merome dit :

    Mon fils, en 5ème, est en plein dans les droits de l’Homme en instruction civique. Je ne sais pas ce qu’il va en retenir adulte, mais j’ai l’impression qu’une partie de la population (18 % ?) a dû sécher les cours. Tout est clair et limpide, ce sont des principes sur lesquels personne ne peut revenir sérieusement et d’ailleurs soutenus par toute la production culturelle (pas un Disney, pas un film américain sans une morale de ce genre là…).
    Comment on peut accepter et même défendre l’idée qu’il y a des contraintes supérieures à la vie et la dignité humaine ?
    Ce sujet n’en finit pas de me surprendre…

    • Guillaume dit :

      Je fait partie de ceux qui refusent de voter, abstention active, car le blanc n’existe pas (Article L66 du code électoral). Je refuse notre système de suffrage universel et ne représente pas la pensée des Francais. Si nous sommes une majorité a choisir cette voie, je suis persuadé que les choses changeront. Comment un candidat pourrait-il se déclarer vainqueur d’une élection si seulement quelques % se sont déplacés? Je refuse de participer a cette mascarade.

  2. Florian B. (@nabellaleen) dit :

    D’un point de vue « légaliste », on peut voir les choses dans le contexte d’un « contrat social » passé entre les gens d’une même communauté (et éventuellement entre les gens et l’état dans le contexte de sociétés étatiques).

    Dans ce cas, les droits et devoirs sont autant de clauses indépendantes au contrat, dont le non-respect entraîne rejet et donc rupture du contrat.
    Ainsi, si l’état ne respecte pas les droits que sont censés avoir les citoyens, les citoyens ne sont plus tenus d’accéder aux devoirs que cite le contrat. Et inversement, si les devoirs ne sont pas respectés, l’état n’est pas tenus d’accéder aux droits mais « libère » le citoyen de son contrat et donc de tous ses devoirs.

    Le problème actuellement, c’est que le contrat social permet à l’état de le bafouer sans pour autant le rendre caduque, et les citoyens n’ont aucun moyen de rejeter ce contrat social pour vivre autrement, à leur échelle.

    Sur le sujet des devoirs, là aussi, je te rejoins : je préfère quand c’est exprimé de manière moins coercitive, sous une forme mettant plutôt en avant la responsabilité.

  3. simplementnat dit :

    Je m’interroge sur l’esclavage : «le droit de ne pas avoir de maître», cela n’est il pas en contrepartie du devoir de ne dominer personne ? C’est bien parce que je refuse que l’on me domine, que j’évite de dominer les autres.

    «Ne faite pas aux autres ce que vous ne voudriez pas que l’on vous fasse».

    • JeffRenault dit :

      Ce n’est pas une contrepartie. Comme ce droit est universel, qu’il s’applique à tous indifféremment, la conséquence (et non la contrepartie) est que personne ne peut être le maître de quiconque.

      Une contrepartie serait une condition sans laquelle tu ne mériterais plus ce droit. Or, en l’espèce, c’est un droit inaliénable, qu’on ne peut te retirer. Il n’est donc pas question de contrepartie.

      Mais la remarque était intéressante. J’ai dû me creuser pour dissiper le doute que tu avais fait naître. L’ai-je aussi dissiper de ton côté ?

      Merci de ta contribution.

  4. stanjourdan dit :

    Bon point ! Il était temps de mettre les choses au clair sur cet aspect ! 🙂

    • balutaud dit :

      je suis consternée par ce que je vois et par ce que j’entends au quotidien au travail ( je suis référente R.S.A.) les humains que je reçois perçoivent 417E/mois: 3 000 BALLES (minimum pour ne pas crever) Jusqu’au 31 mars 2012, pour les personnes ne répondant pas aux convocations du conseil général pour signer leur C.E.R.( Contrat d’Engagement Réciproque), la peine était une retenue de 100E (sur les 417) .Depuis le 1er avril ,et ceci n’est pas une blague, la peine est la suivante : on leur vire juste 100E sur leur compte !!!! on retient 317E . Je ne supporte plus et ne sais plus que faire….

  5. Galuel dit :

    « parce qu’elle ne sont pas source de croissance économique »

    C’est faux !

    Elles ne sont pas des sources de croissances économiques mesurables monétairement.

    Ce qui est très différent.

    Exemples : http://www.creationmonetaire.info/2012/02/debian-14-milliards-deuros-valeur-libre.html

    Pourquoi invoquer donc des arguments faibles quand il existe des arguments forts ? Il n’y a aucune raison de s’autoflageller, véritablement aucune !

  6. Brunel ILS-AIME dit :

    droit a un niveau de vie suffisant, voila un idéal pour la réalisation duquel le monde a encore beaucoup a faire. En effet, quand j’observe ce qui est et le compare a ce qui devrait être, je me suis dit que entre les normes et la réalité existe un monde de différence. pour que l’on puisse faire de cet idéal une réalité, il faudrait bien que soient redistribuées de façon équitable les richesses de la planète. C’est inadmissible que les ressources du monde soient concentrées entre les mains d’un petit clic de richards!

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